Écoute, elle te le dit
Première suite volcanique...
Pendant que les guerriers des villes englouties
Fabriquent les ponts entre nos défaites et nos aliénations
Tes terres me quittent sous mes pas,
Mes racines pourissent
Sous le feu du temps supsendu
Tu me retiens encore de ton souffle
Tu m'achèves vivante encore plus
Pendant que le corps des amants
Cuit sur le sol volcanique
Mantra métallique et excessif
Faute de tes salives irréductibles
Mon crâne et les chiens dans ta gorge
Tes mains ouvertes errantes et survivantes
Sur mon corps traîne, aboie
Le désert blanc violent
Je suis née excessive, envolée
Toujours ces frissons passionnés
Excitée, de renaître encore
Des cendres des paroles amères
Des haines des pères
Leurs petits enfants crevés
Leurs amantes appauvries
Pendant que les traces telluriques
Crachent le feu libérateur
Que l'intensité éponge tous les précipices
Des traversées aux confins des nords endormis
Des lacs gelés immenses
Nous sommes nées
Des femmes reconstituées
Insérées, aimées, énervées, écervelées, improvisées
Elles ne comprendront jamais
La part des siècles sans elles
Les dérapages génocidaires
Tout me fait mal
Le sourire cassé
Le chant tellement lent
Ne cesse de reconsidérer les fables noires
De tous les peuples présents
Où ils traversent endeuillés
Savourer tes langues des origines
Me traduire l'audace
Elles ne sont revenues qu'au moment des accords
La tendresse tapie dans l'ombre des traditions
Sous le crash des économies affectives
Déconcentrent, divisent pour sembler
Nos démocraties s'ensablent émouvantes
Tous les faux départs, les appels
Sans entente folle, estivale
Les femmes la bouche ouverte de leur cœur
Savourer les moments du monde
Les yeux dans leurs mains
Et le sexe franc à la place des peurs
Le verbe haut et fort conjuguant le sort
Des trésors de torts et de corvées
Voiles toutes gonflées
Dans l'encrage virtuel
Elles existent inouïes, imparfaites, elles offrent.
© Sylvie Chenard
, 1998